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Histoire 21 / 10 / 2017

Dans les pas du maréchal … et du général.

Le gouvernement a confirmé son intention de réformer les institutions de la Vème république. Il s’agirait d’accorder au Conseil économique social et environnemental (C.E.S.E) de nouvelles prérogatives, notamment dans le domaine législatif, ce qui reviendrait à intégrer les confédérations ouvrières à l’Etat et donc, à les détruire.

Ce projet est aussi dangereux qu’ancien.  C’est ce que nous allons voir brièvement.

Le gouvernement Hollande.

Rappelons qu’au lendemain de son élection le prince Hollande 1er – et dernier – avait réservé sa déclaration de politique générale au CESE et non aux élus de l’Assemblée nationale. Il s’y était porté garant de l’intérêt général et du bien commun.

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Monsieur Bartolone a des alliés. Citons le ministre « vert » du gouvernement Macron, le gentil Nicolas Hulot, farouche partisan d’un nouvel ordre corporatiste, proche du pape, ou l’incomparable Daniel Cohn Bendit, l’ami proche de tous les très très riches de ce pauvre monde.

En photo : Martine Aubry et Bartolone …

Il avait confié à Claude Bartolone une mission visant à réformer les institutions. Etait chargé du dossier M. Winock, historien quasi officiel de son état, auteur d’un document très révélateur sur l’histoire de la revue Esprit du philosophe Emmanuel Mounier. (Voir à ce sujet : corporatistes un jour, corporatistes toujours, brochure éditée par l’UD CGT-FO 44, consultable sur le site de l’UD, rubrique histoire, le 25 mars 2016 – lire ci-contre en haut à droite –). Le socialiste Bartolone avait déclaré à la télévision le 29 janvier 2015 : « Je redécouvre les textes du général De Gaulle à l’époque du référendum d’avril 1969. Je trouve qu’il avait déjà de bonnes idées ». Le gouvernement Hollande a été chassé. Bartolone aussi.

Le gouvernement De Gaulle.

Le gouvernement fragilisé par les grèves de mai-juin 1968 tente l’opération intégration à froid des syndicats ouvriers dans un sénat « rénové ». Dans le même mouvement, de Gaulle veut imposer des « conseils de régions ( … ) comprenant des élus et des représentants des activités économiques sociales et culturelles ».

Réunie en congrès national, notre CGT-FO appelle à voter NON, entrainant le NON de la CGT. Battu dans les urnes, De Gaulle démissionne. Ce rude coup porté aux partisans pluriels du corporatisme continue de marquer fortement la période actuelle. (Voir à ce sujet : Bernard Hazo, l’homme qui dit NON, hommage à Alexandre Hébert, édité par l’UD CGT-FO 44, notamment le chapitre VI).

Le gouvernement Pétain.

Dans le projet de réforme constitutionnelle de janvier 1944, jamais promulgué, on lit :

« Dans la composition du Sénat, une place est réservée aux représentants élus des institutions professionnelles et corporatives et aux élites du pays. Ils ne sont liés par aucun engagement à l’égard de ceux qui les ont désignés ( … ) ils agissent pour le bien de l’Etat ». Et ceci,

« Un conseil provincial est formé pour deux tiers, de membres élus par les conseils départementaux, pour un tiers de membres nommés par le gouvernement, sur la proposition du gouverneur (sorte de super préfet de région), parmi les représentants élus des organisations professionnelles et corporatives et parmi les élites de la province ».

Le gouvernement Pétain est chassé ; pas ses projets. (Voir à ce sujet : corporatismes d’hier et d’aujourd’hui, édité par l’UD CGT-FO).

Marcel Déat.

« Néo socialiste » expulsé de la SFIO (PS) en 1933, dernier ministre du travail de Pétain en 1944. Il écrit dans ses mémoires politiques :

« Je concevais le gouvernement comme s’appuyant sur deux chambres, l’une élue au suffrage universel et ayant un rôle proprement politique de représentation des intérêts généraux de la nation, l’autre qui pouvait être le Sénat, émanant de l’ensemble des groupements corporatifs et des collectivités secondaires, communes départements etc ». (Page 677). Le fasciste Déat n’est pas adepte de la langue de bois : « J’étais tout disposé à admettre que l’Eglise, comme les autres communautés, pût déléguer ses représentants au Sénat ». Ainsi, il n’est plus nécessaire de s’assurer d’une représentation indirecte via la « société civile ». Autre avantage : « Plus besoin de concordat à partir du moment où nous avions en face de l’Etat une Eglise française organisée en communauté de droit public ». (Page 782). Réfugié dans un couvent en Italie, Déat conclut ses méditations :

« Je persiste à penser qu’il y a là une conception d’avenir et que sous une forme ou sous une autre, on en retiendra quelque chose ». (Page 813).

 

Alexandre Hébert et toute l’UD CGT-FO de Loire-Atlantique a été à la pointe du combat contre le corporatisme plus ou moins fascisant de tous les derniers gouvernements.

 

Nous sommes en 2005. Le gouvernement envisage de faire adopter par référendum le projet de  la nouvelle constitution européenne : une Europe vaticane. L’Union départementale CGT-FO, sur proposition de Patrick Hébert annonce qu’elle mènera campagne – en cas de référendum effectif – pour le NON, comme en 1969. Continuité …

Une continuité qui agace dans la « gauche plurielle ». c’est bien normal …

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Bien d’autres ont exprimé les mêmes préoccupations. Dans la revue ultra pétainiste , « l’unité française » où s’expriment les « modèles » de nos réformateurs actuels, Paul Ricoeur, François Perroux, mais aussi les deux ministres du travail de Pétain, venus de la « gauche », René Belin et Hubert Lagardelle, mais aussi le monarchiste Charles Maurras, on réfléchit à une refonte des institutions permettant l’implications des corps intermédiaires dans la Nation.

En septembre 1941, Maurras revendique l’instauration de « Conseils ou Chambres des familles, dans l’arrondissement, la province, l’Etat » afin de « lier l’individu à l’Etat ». En octobre 1943, F. Perroux exige que « l’Etat soit débarrassé de mille tâches parasites qui doivent être le fait des communautés subordonnées », travail de « rénovation » en profondeur que « les révolutions contemporaines » (comprendre le fascisme en Italie et le national-socialisme en Allemagne) ont commencé mais n’ont pas achevé. (Source : Renaître, IV politique, Editions de la renaissance européenne, octobre 1943). Tous sont d’ardents partisans d’une Europe nouvelle, communautaire, adepte du principe de subsidiarité clérical inscrit dans le traité de Maastricht.

Le pionnier Georges Valois.

Celui qui fut sans doute le tout 1er fasciste authentique en France explique début 1927 qu’ « il faut résoudre enfin le problème de l’incorporation de la classe ouvrière à l’Etat ». Si les contours de la Chambre corporative idéale ne sont pas nettement tracés, l’auteur revendique quand même une « assemblée des producteurs (qui serait) l’organe où viendront se résoudre loyalement, entre intéressés, les conflits inévitables d’intérêts, et après qui l’Etat tranchera, si c’est nécessaire, au nom de l’intérêt national ». (Source : l’Etat syndical et la représentation corporative, publié en 1927).

De ce premier bref tour d’horizon, forcément très incomplet, il ressort une certitude : qu’ils proviennent de « gauche », de « droite » ou « d’extrême droite » tous ces projets sont absolument incompatibles avec l’existence de confédérations ouvrières qui défendent les intérêts particuliers des salariés et qui refusent par là-même de se soumettre aux impératifs totalitaires de « l’intérêt général » comme le rappelle la Charte d’Amiens.

En guise de conclusion provisoire.

Deux « modèles », au Portugal et en Italie.

Au Portugal.  Le dictateur Salazar a imposé un ordre totalitaire qui a duré un demi-siècle ; Il instaure une Chambre corporative composée de 185 membres, chargée « de fondre en harmonie l’antagonisme des classes ». « Salazar lui-même après vingt années d’expérience, laissait percer sa perplexité  et se demandait si la meilleure solution ne consisterait pas à garder dans le système la seule Chambre corporative en supprimant l’Assemblée nationale ». (Source : Jacques Georgel, le salazarisme. Page 124). La révolution de 1974 détruit les institutions corporatistes, adopte une constitution démocratique qui rétablit les libertés démocratiques dont la liberté syndicale.

En Italie :

Le 6 décembre 1931, Mussolini avait fait inscrire à l’ordre du jour du Grand Conseil du fascisme la réforme de la Chambre.

Il déclare le 14 novembre 1933 devant l’assemblée générale du Conseil National des Corporations : « D’aucuns devançant les temps ont déjà parlé de la fin de notre Chambre des députés. Expliquons-nous. La Chambre actuelle, sa législature étant terminée doit être dissoute ( … ) il est parfaitement concevable qu’un Conseil National des Corporations remplace « in toto » la Chambre des députés actuelle ». La Chambre des faisceaux et des corporations » est instaurée le 19 janvier 1939. Cette Chambre constitue « la pièce maîtresse de l’Etat totalitaire ». (Didier Musiedlak : parlementaires en chemises noires ». (Page 335). Un débat eu lieu afin de trancher entre plusieurs options. Sans détailler, ce serait beaucoup trop long, notons celle d’E. Rossoni. L’auteur résume bien l’affaire :

« Rossoni militait en faveur de la définition d’un corporatisme intégral, situé dans l’héritage d’un syndicalisme révolutionnaire, dont le point d’aboutissement aurait culminé dans la création d’un Etat syndical. Dans un tel projet, le syndicat fasciste (unique, rassemblé) aurait en conséquence dominé à la fois le Parti (unique) et l’Etat ». (Page 357). Cette conception n’est partagée ni par G. Bottaï, ministre du travail ni par l’un des principaux rédacteurs de la Charte du travail, A. Rocco. La position du « gauchiste » Rocco est donc marginale.

Par contre l’inspirateur de bien des « réformes » actuelles, E. Mounier, en visite amicale à Rome en 1935, y trouve une source intarissable d’idées nouvelles et ne cache pas son enthousiasme. Il est vrai que dès 1932, il exige « un pouvoir fort, disposant de moyens de contraintes très étendus sur les individus »

Les héritiers politiques de ce « philosophe » sont d’autant plus dangereux qu’ils trônent au sommet de l’Etat. D’ailleurs, comme le note à juste titre l’Historien Stéphane Sirot, « au cours des années 60, 70, les partisans acteurs des mutations sociales sont, pour l’essentiel, des hauts fonctionnaires, des intellectuels d’inspiration sociale-chrétienne qui se reconnaissent dans la philosophie personnaliste d’Emmanuel Mounier et de la revue Esprit. Selon cette philosophie, il existe une voie humaniste entre le capitalisme libéral et le marxisme, qui passe par la personne humaine. Traduit en termes économiques le plus atome – l’entreprise – serait donc l’issue à privilégier ». (Source : Stéphane Sirot : démocratie sociale et dialogue social en France depuis 1945 », une brochure de 40 pages). S. Sirot note aussi « une démarche de plus en plus marquée tendant à faire des partenaires sociaux des co législateurs ou à tout le moins, consistant à modifier leur rapport à la loi, au contrat et à l’Etat ». Ces questions concernent à l’évidence tous les militants syndicalistes.

Notons, pour conclure définitivement, que nombre de ces illustres réformateurs ont connu une fin tragique. Mussolini, pendu par les pieds, comme un porc … mais que d’autres ont poursuivi une brillante carrière, vénérés par nos actuels « grands de ce monde ».

A suivre …

  1. M 20 octobre 2017.

chaud ! chaud ! chaud !

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Corporatistes un jour,

Corporatistes toujours…

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