Inédite, par contre, est la mobilisation des personnels d’établissement qui témoigne de la dégradation dans l’ensemble des services, au-delà des classes. Le 15 septembre, le syndicat Indépendance et Direction ID-FO manifestait devant le ministère de l’Éducation nationale, pour mettre en lumière l’épuisement des personnels de direction face à la surcharge de travail imposée, depuis 2018, par le train de réformes continues. « Les arrêts-maladie se multiplient. Dans l’académie de Lyon, 10 % des chefs d’établissement ont dû être remplacés en cette rentrée. Le ministère doit agir d’urgence pour assurer un exercice serein du métier »
, expliquait Franck Antraccoli, secrétaire général.
En mai, ID FO, deuxième organisation du secteur, a exigé que le CHSCT-ministériel se saisisse du sujet des conditions de travail. Refusé. Là encore, rien d’une surprise. « Depuis 2018, nos alertes restent lettre morte. La charte de pilotage signée en 2021, et censée mettre en place des garde-fous, est largement inappliquée »
, dénonçait le militant FO, « pointant la situation d’insécurité professionnelle et de perte de sens
où se trouvent aujourd’hui bon nombre de personnels de direction »
.
Dix à douze heures de travail quotidien
En témoignent les résultats de l’enquête initiée en juin par ID-FO auprès des 14 400 responsables d’établissement public local d’enseignement (les EPLE désignant les collèges et lycées). Parmi les 1 507 chefs et chefs adjoints d’établissement ayant répondu (10,5% des sondés), 88 % dénoncent une « pression temporelle régulière ou permanente »
. 70 % disent travailler 10 à 12 heures par jour, 45 % le week-end et 25 % prendre « moins de 5 semaines de repos annuelles »
. Et 66 % ont des symptômes physiques : mal de dos, migraine… L’état des équipements techniques ne facilite pas leurs missions : 55 % des répondants les jugent obsolètes
.
Autre point saillant, l’enquête révèle la dégradation des relations entre les autorités
(administration centrale, services territoriaux) et ces professionnels, qui se sentent réduits à un rôle d’exécution dans la précipitation, sans moyens dédiés ni décharge de leurs responsabilités juridiques.
65 % des répondants déclarent ne pas être consultés par les services académiques, dont les décisions impactent leur quotidien. 74 % avouent des difficultés à appliquer des consignes perçues comme inappropriées ou contradictoires
et 41 %, « des difficultés à donner du sens à leur action
. Les questions posées aux services académiques restent souvent sans réponse : ils n’en savent pas plus que nous. Les chefs d’établissements se retrouvent donc démunis, et dans l’incapacité d’anticiper les opérations à mener. Pour exemple, le règlement d’examen du baccalauréat a changé tous les ans depuis sa réforme en 2019″
, précise Franck Antraccoli. Il met en cause le mode de pilotage, devenu particulièrement institutionnel
pour soutenir la transformation du système éducatif vers l’École de la confiance
, laquelle s’accompagne aussi de réformes des structures (services mutualisés).
Reçu par le cabinet du ministre, ID-FO a obtenu l’engagement qu’un groupe de suivi sur la charte de pilotage serait mis en place. Elle a maintenu sa demande de création d’un groupe de travail sur les conditions de travail, « sous l’égide du CHSCT-ministériel
. La balle est dans le camp du ministère. Nous attendons des résultats concrets »
, prévient Franck Antraccoli, qui n’exclut pas d’autres mobilisations.