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économie 31 / 08 / 2018

Budget 2019 : attaques tous azimuts contre les plus modestes

© DENIS/REA

Les projets de lois de finances de l’État (PLF) et de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 seront présentés fin septembre mais déjà le gouvernement annonce la couleur. Le 26 août, dans une interview accordée à un hebdomadaire le Premier ministre livre la philosophie générale que le gouvernement entend appliquer à ces projets et dévoile au passage quelques mesures. Prolongement des propos tenus le 9 juillet dernier par le chef de l’État, M. Emmanuel Macron, devant le congrès réuni à Versailles, les déclarations du Premier ministre confirment un axe de restriction drastique de la dépense publique et, s’insurge FO, d’attaques en règle contre les plus modestes. Panorama.

Le gouvernement, à l’évidence, n’est pas avare en matière d’attaques contre les plus modestes. Alors que les organisations syndicales seront reçues à la fin de ce mois par le Premier ministre (ce 30 août pour la Confédération FO) chacune d’elles a découvert –via l’interview de M. Édouard Philippe à un hebdomadaire le 26 août– l’annonce de mesures ou pistes de mesures qui n’avaient jamais été évoquées avec les partenaires sociaux.

L’annonce du quasi gel des pensions de retraite en est un exemple. Cela ne nous a jamais été annoncé alors qu’il y a une grande concertation sur les retraites qui est engagée s’irrite Pascal Pavageau. Le secrétaire général de la Confédération FO résume l’impact qu’aurait une telle mesure sur les retraités modestes. Pour une pension d’environ 1 200 euros/mois, cette mesure, combinée à la hausse du taux de la CSG, va représenter pour un retraité un manque à gagner de plus de 500 euros rien que la première année.

Le Premier ministre, M. Édouard Philippe, a annoncé en effet que les pensions de retraite, l’aide personnalisée au logement (APL) et les allocations familiales devront connaître une progression minimaliste de 0,3% en 2019 et 2020. Cela ressemble fort à un gel et ce alors que l’inflation grimpe depuis plusieurs mois. Elle s’élevait à 2,3% en juillet (et 2% en juin) et devrait s’établir à 1,6% ou 1,7% sur l’année 2018 prévoit l’Insee.

Les droits collectifs en danger

Peu importe semble-t-il au gouvernement qui dit « assumer » cet axe et alors que ces mesures de quasi-gel censées apporter une économie de trois milliards d’euros vont impacter directement le pouvoir d’achat des ménages. Nous assumons une politique de transformation et de maîtrise des dépenses qui privilégie la rémunération de l’activité et qui rompt avec l’augmentation indifférenciée des allocations déclare le Premier ministre. Après des cadeaux faits aux premiers de cordées l’an dernier, ces nouvelles mesures signifient une volonté de casser le modèle social a réagi le Secrétaire général de la Confédération FO.

Le gouvernement attaque les derniers de corvées, les plus faibles et les plus démunis. Cette politique souligne-t-il casse les droits collectifs, la solidarité. Elle casse aussi des pans entiers de notre République s’indigne-t-il appelant le gouvernement à « entendre » les interlocuteurs sociaux, FO notamment le 30 août. Pascal Pavageau appelle aussi à arrêter l’ensemble des erreurs et inepties commises au plan social. Aujourd’hui, le gouvernement n’attaque pas que le pouvoir d’achat, il attaque la capacité de survie des plus démunis, des plus faibles, des retraités les plus faibles, des actifs les plus faibles, de ceux qui cherchent un emploi…

De son côté, le gouvernement qui a revu sa prévision de croissance pour 2019 à 1,7% contre initialement 1,9% indique par ailleurs s’attendre à un « rebond » du déficit public l’an prochain. Le ministre de l’Economie M. Bruno Le Maire annonçait ce 27 août que le déficit s’élèverait cette année, comme en 2017, à 2,6% du PIB contre 2,3% prévu initialement. Adressée à Bruxelles au printemps, la trajectoire des finances publiques à l’horizon 2022 prévoyait un déficit public contenu à 2,4% du PIB en 2019.

Et toujours le lourd poids du CICE…

Le 26 août, le Premier ministre apportait son explication à propos de ce rebond probable en 2019. Le déficit va augmenter parce que […] nous transformons le CICE en allègement de charges pérennes –pour les entreprises c’est un transfert de trésorerie qui doit être utilisé pour leur compétitivité, donc pour l’emploi et l’investissement. Si la croissance ralentit il y aura forcément un impact, explique M. Édouard Philippe.

Appelé à être transformé l’an prochain en un allègement de cotisations sociales patronales, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou CICE (créé en 2013) –qui est loin d’avoir apporté le million de créations d’emplois promis en son temps par le patronat…– équivaut actuellement à un manque à gagner d’environ 20 milliards d’euros par an pour les caisses de l’État. Pour le Premier ministre, peu importe l’impact d’un ralentissement de la croissance. Cela n’empêchera pas le gouvernement de poursuivre son action et sur le même axe, soit sur la baisse des prélèvements obligatoires comme sur la maitrise de la dépense publique et de la dette indique-t-il.

En 2018, le gouvernement avait fait le choix de priver l’État de recettes fiscales, particulièrement à travers de cadeaux accordés aux plus aisés. La loi de finances pour 2018 a en effet acté la suppression de l’ISF et la création du prélèvement forfaitaire unique de 30% appliqué aux revenus de l’épargne. Ces deux mesures vont entraîner un manque à gagner de près de cinq milliards d’euros en 2018. Les entreprises, elles, outre le CICE, avaient bénéficié aussi de cadeaux. La poursuite de la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés ou encore la suppression de la taxe de 3% sur les dividendes avaient été adoptées.

Les entreprises toujours chouchoutées…

Pour 2019, le ministre de l’Economie a d’ores et déjà annoncé un nouveau cadeau aux entreprises. Même si l’application de la mesure est reportée de janvier à octobre 2019, les entreprises bénéficieront d’un allègement de quatre points sur les cotisations patronales… Alors souligne le secrétaire général de la Confédération que FO est favorable à l’aide publique, il faut que celle-ci soit assortie de conditions. Or, c’est loin d’être le cas en ce qui concerne le CICE. Aujourd’hui vingt milliards d’euros par an sont distribués, dilapidés, sans aucune conditionnalité faite aux entreprises, notamment sur l’emploi. On met donc vingt milliards par la fenêtre.

En matière de dépenses publiques, le gouvernement semble s’orienter vers les mêmes méthodes en 2019 qu’en 2018. Concrètement, il souhaite réduire davantage encore la dépense publique arguant que cela est impératif pour faire reculer le déficit public (État, sécurité sociale, collectivités territoriales) afin de répondre aux engagements de la France vis-à-vis de l’Europe. Une réduction de la dépense publique à hauteur de trois points de PIB est programmée d’ici 2022, soit un recul de la dépense de plus de 60 milliards d’euros.

Pour 2018, le gouvernement avait ainsi prévu un plan d’économies à hauteur de quinze milliards d’euros. S’il faut attendre la présentation du projet de loi de finances pour connaître le détail des économies visée en 2019, le Premier ministre a livré –ou confirmé– quelques pistes ce 26 août. Nous voulons transformer l’action publique en diminuant le financement des politiques qui ne sont pas efficaces par exemple sur le logement et les contrats aidés. Déjà, si 320 000 emplois aidés étaient prévus budgétairement en 2017, ils ne sont déjà plus que 154 000 sur 2018. La programmation a été plus que divisée par deux donc.

Des missions publiques menacées de disparition

M. Édouard Philippe annonce par ailleurs la suppression de 4 500 postes de fonctionnaire l’an prochain (après 1 600 en 2018) et plus de 10 000 en 2020. Nous tiendrons l’objectif […] de supprimer 50 000 postes [à l’État, NDLR] à l’horizon 2022 précise-t-il confirmant dès l’an prochain une diminution des effectifs au sein des secteurs ministériels de l’Économie et des Finances (aux finances publiques et aux douanes), de l’audiovisuel public ou encore dans le réseau extérieur de l’État, autrement dit au sein du ministère des Affaires étrangères.

D’ici 2022, l’Exécutif vise à supprimer 120 000 postes de fonctionnaires au sein des trois branches de la fonction publique (État, Territoriale, Hospitalière). Au plan des moyens, en juillet dernier le gouvernement donnait la tonalité pour 2019, envisageant une diminution des crédits pour neuf missions ministérielles. Les budgets des secteurs Travail ainsi que Cohésion des territoires pourraient être en recul respectivement de 2,07 milliards d’euros et de 1,16 milliard. D’autres secteurs –tel celui de la Défense ou de la Solidarité– devraient connaître une hausse de leurs crédits, mais cette progression est en trompe l’œil puisque cette hausse serait en fait annulée par l’impact de l’inflation.

Le 26 août, le Premier ministre indiquait encore que la réduction du nombre de fonctionnaires n’est pas le fondement mais la conséquence d’une transformation de l’action publique qui monte en puissance au fil du temps. La subtilité de langage cache une attaque massive contre la fonction publique, ses missions et ses personnels.

À l’automne 2017, le gouvernement avait confié en effet à un Comité intitulé Action publique 2022 (formé d’une trentaine de membres dont des personnalités du privé et des personnalités étrangères) le soin de former des recommandations pour des réformes structurelles à venir dans la sphère publique. Objectif assigné à CAP22 : participer à une transformation du service public et du modèle de l’action publique. Ce comité était vivement invité à ne pas écarter la possibilité de transferts de missions au privé et d’abandon de missions… CAP22 a rendu son rapport au début de l’été. Le gouvernement compte s’inspirer des mesures préconisées.

Coupable d’être malade ?

Les gouvernements de ces dernières décennies ne cessent de se conformer à l’idéologie libérale et dérégulatrice, afin de donner des gages aux marchés financiers s’insurgeait en avril l’organisation FO lors de son dernier confédéral. FO demande que le champ des services publics soit maintenu dans ses missions actuelles et étendu en prenant en considération les nouveaux besoins émergents tels que la dépendance ou le numérique. Pour FO, le Programme Action publique 2022 constitue une attaque majeure contre le service public et ses agents, tout autant que les citoyens eux-mêmes.

À la veille de la rentrée sociale, le Premier ministre s’est exprimé aussi le 26 août sur les arrêts maladie. Le transfert aux entreprises de l’indemnisation des arrêts maladie courts (moins de huit jours) semblaient être une piste envisagée ces dernières semaines par le gouvernement. M. Édouard Philippe annonce qu’il écarte l’hypothèse d’une mesure brutale de transfert vers les entreprises. Après des mesures –notamment des cadeaux fiscaux– aux entreprises, un tel transfert serait un contre-message indique le Premier ministre.

Reste que la progression du nombre de jours pour arrêts maladie et leur indemnisation semble poser un problème au gouvernement, lequel n’évoque nullement de possibles raisons à cette hausse, par exemple la pénibilité du travail, le vieillissement des actifs en poste… C’est comme si notre pays avait instauré un jour de congé supplémentaire ! […] Tous les acteurs du système doivent se mettre autour de la table pour trouver les moyens de contenir cette progression. […] Cela ne peut pas durer assène M. Édouard Philippe.

Mais comment le Premier ministre peut-il comparer des arrêts maladie à des jours de congés fulmine le secrétaire général de la Confédération FO. Cette petite musique, générale et permanente accompagnant tous les dossiers en cours de l’actualité sociale et consistant à chercher à culpabiliser les plus faibles devient insupportable.

Une cascade de propositions anti sociales

Sur la possibilité d’une mesure de plafonnement et de dégressivité des allocations chômage pour les cadres (mesure proposée par un député de la majorité), le chef du gouvernement indiquait le 26 août que cette question est donc désormais « posée » et qu’il est possible d’en discuter. Nous [le gouvernement, NDLR] n’aurons ni tabous ni présupposés. Et de préciser, lapidaire, partout où il y a des mécanismes qui n’incitent pas à retrouver rapidement un emploi, il faudra agir. Je dis bien partout.

Encore des projets d’attaques, de mesures anti sociales résume FO qui dans le cadre des prochaines négociations sur l’assurance chômage proposera une dizaine de points qui, pour l’organisation, semblent être des points d’amélioration pour les demandeurs d’emplois et pour le fonctionnement de l’assurance chômage.

Plafonner les indemnités chômage pour les cadres ? L’idée est stupide souligne Pascal Pavageau notant que cela révèle plus largement une volonté d’aller vers une logique générale de dégressivité. Or… Cela a été essayé déjà dans les années 1990 et non seulement cela n’a servi à rien mais cela a aggravé les difficultés du retour à l’emploi. Ce n’est pas en rognant les indemnités chômage que l’on résout le problème du chômage.

Prélèvement à la source : le choc à venir

Côté fiscalité ? S’il n’annonce pas clairement son entrée en vigueur au 1er janvier prochain, le Premier ministre n’en a pas dit davantage le 26 août sur un possible report du Prélèvement à la source (PAS). Alors que le nouveau système de collecte de l’impôt sur le revenu connaît pour le moins des difficultés avant même son application (le gouvernement a annoncé cet été que le PAS sera reporté d’un an pour les employés à domicile et que les PME de moins de vingt salariés seront autorisées à utiliser le système Titre emploi service entreprise/TESE qui gère déjà les cotisations Urssaf), l’arrivée du PAS pourrait en tout cas impacter le pouvoir d’achat.

Le PAS consiste à prélever mensuellement l’impôt sur le revenu directement sur le salaire, la pension de retraite ou encore les allocations de chômage. Le prélèvement à la source transforme ainsi l’employeur en tiers collecteur d’impôt à la place du service public. Le PAS soulève par ailleurs nombre de problèmes. A titre d’exemple, celui de la protection de la situation fiscale du salarié vis-à-vis de son employeur ou encore celui relatif aux remboursements tardifs des crédits d’impôts que vont subir les contribuables concernés. Plus largement, si la mesure PAS est maintenue, chacun va mesurer l’impact réel du prélèvement à la source sur sa feuille de paie de janvier ! souligne Pascal Pavageau pointant par ailleurs la perte de capacités, de moyens des services des finances publiques.

Depuis 2017, l’Exécutif s’emploie à vanter les mérites du système PAS qui se distinguerait par sa simplicité pour le contribuable et par la contemporanéité qu’il apporte entre la perception des revenus et leur imposition… l’affaire est loin d’être si limpide ont expliqué depuis de longs mois les agents FO de la DGFIP (finances publiques) qui par ailleurs soulignent la charge de travail supplémentaire que le PAS va générer, cela alors que les services sont désormais exsangues par les milliers de suppressions d’emplois imposées au fil des années…

La Sécurité sociale dans le viseur du gouvernement

Prétendant prendre des mesures pour doper le pouvoir d’achat notamment des salariés et peut-être aussi tenter d’atténuer l’effet de l’arrivée du PAS, le gouvernement annonce la suppression au 1er septembre 2019 des cotisations salariales sur les heures supplémentaires effectuées par les salariés du public et du privé. L’entrée en vigueur de cette mesure qui induirait un manque à gagner de deux milliards pour l’État a été avancée d’un an.

Le gouvernement s’engage-t-il à compenser à la Sécurité sociale cette perte de deux milliards ? interroge avec ironie Pascal Pavageau. Par ailleurs relève-t-il, cette mesure porte une double inégalité car tout le monde ne fait pas d’heures supplémentaires et les personnes employées à temps partiel ne font pas des heures supplémentaires mais des heures complémentaires. Plus largement souligne le secrétaire général, ce type de mesure n’a pas de sens, d’efficacité, au plan économique. Pire, rappelle-t-il, l’OFCE (l’Observatoire français des conjonctures économiques) estime qu’une telle mesure détruirait 19 000 emplois.31

Par ailleurs derrière l’ensemble de ces mesures consistant à supprimer ou à fiscaliser des cotisations sociales, se cache une volonté d’anéantir, d’annihiler le financement de la Sécurité sociale pour en terminer avec les droits collectifs,s’insurge le secrétaire général de la Confédération FO. Alors que la cotisation, qui représente un salaire différé, génère un droit (à allocations chômage, indemnités pour maladie, pensions de retraite…), les réformes actuelles visent à troquer cette logique pour une logique d’assistance publique, soumise à conditions. Dans ce cadre avertit Pascal Pavageau chacun devrait payer bien plus [pour s’assurer, NDLR]. Et cela pour bénéficier de beaucoup moins de droits.

chaud ! chaud ! chaud !

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