>Histoire

25 / 11 / 2023

Autogestion : derniers soubresauts ?

Il y a soixante ans, la CFTC devenait CFDT. « Le serpent qui ne sait pas changer de peau, meurt » (Nietzsche).

Le miracle accompli, les penseurs de la CFDT inventèrent « l’autogestion ».

Charles Piaget en fut un zélé propagandiste. Il vient de rendre l’âme dans un concert de louanges.

Leader de la « gauche » de la CFDT, formaté par l’Alliance Catholique Ouvrière, expert en maniement de la doctrine sociale de l’Eglise catholique, adhérent du parti de Rocard-Maire-Mendes France et Delors, le PSU, parti socialiste unifié, (1) ; il fut l’emblématique dirigeant CFTC, puis CFDT de Lip.

1973 : le patronat voulait liquider l’entreprise horlogère ; 480 salariés devaient dans un premier temps être licenciés. La section CFDT de Lip crut pouvoir « sauver » l’entreprise en faisant abstraction de son environnement qui est, jusqu’à preuve du contraire, le monde capitaliste.

Les manifestations succédaient aux manifestations, largement couvertes par les JT gaullistes de l’époque ; peut-être la bénédiction de l’évêque de Besançon y était-elle pour quelque chose.

Le mot d’ordre central, « on fabrique, on vend, on se paie » faisait la UNE des médias, admiratifs. C’était la révolution, ou presque. Ce n’était pas si terrible, après tout. P.J. Proudhon, originaire de Besançon aurait sans doute apprécié (2).

Mais les patrons n’ont rien lâché. Enfermés dans « leur » entreprise-communauté autogérée, des centaines de travailleurs ont été mis à la porte, les autres ont vu leurs avantages acquis largement piétinés (3). Les paroles de consolation de certains patrons chrétiens, proches de Michel Rocard n’ont pas longtemps fait illusion. L’autogestion était morte avant même d’avoir pu exposer tous ses avantages.

Piaget était sans doute – peut-être – un honnête homme, sûrement un combattant. Ce n’est pas le propos. Il faut savoir ce que sous-tend l’idéologie autogestionnaire pour ne pas se laisser piéger encore une fois. A moins d’aimer ça …

Manifestation de salariés de Lip. « De Lip, il ne reste que le nom ». (Quotidien de la finance, la Tribune, en 2023.) Le nom et un mythe.

L’autogestion, une nouveauté ? Vraiment ?

Dans le document « le PSU, des idées pour un socialisme du XXIème siècle (sous la direction de Jacques Sauvageot »), un chapitre est intitulé : « l’avenir d’un passé, le PLAN ».

Ce chapitre débute par un hommage appuyé au «socialiste belge » Henri de Man. On y lit : « dans les années 30, de Man prône le passage au socialisme par étapes, une économie mixte, c’est-à-dire la coexistence d’un secteur public et d’un secteur privé, et une planification pour assurer cette coexistence et la marche au socialisme » (page 107) … bien vite, il s’est rallié au national-socialisme … Mais de cela, les auteurs ne disent rien. Mais peut-être l’ignorent-ils ?

Ils se gardent bien aussi d’indiquer qu’en France, « dans les années 30 », les amis de René Belin, partisans d’ « une troisième voie », hostiles au socialisme et aux « excès du libéralisme », travaillent dans la CGT sur les mêmes thèmes que de Man. Mais peut-être ne le savent-ils pas non plus ?

Pour favoriser la « coexistence » que les autogestionnaires espèrent pacifique pendant une « phase de transition » aux contours pour le moins flous, les théoriciens ont tout prévu. Ils ont découvert « la démocratie économique ». Ils nous expliquent tout :

« La démocratie économique s’exprime notamment par une deuxième Chambre économique, au sein du parlement. Dans la « République moderne (1962), Pierre Mendes France propose de remplacer le sénat par le Conseil économique et social, mais un conseil économique et social renouvelé, élargi, démocratisé, comportant une représentation des régions et ayant voix délibérative. Par ailleurs, les travailleurs participent à l’élaboration du PLAN à tous les niveaux ». « Le néo socialiste »-fasciste Marcel Déat avait eu la même idée, « dans les années 30 ».

Peut-être nos autogestionnaires l’ont-ils oublié ?

En « bas », les travailleurs seraient autorisés à bavarder dès lors que cela ne se concrétise pas par des revendications, notamment salariales. En « haut », ceux qui savent prennent les décisions.

Et, au « sommet », les syndicats co-légifèrent. Ainsi, ils se sabordent.

Dans la « République moderne », Mendes France expliquait que tous les problèmes ont leur solution « au niveau de l’entreprise » et, qu’aux étages supérieurs, les « élites » qui ont en charge « l’intérêt général » doivent orienter des décisions compatibles avec la « coexistence ». L’enfumage était complet.

Mendes France et le PSU portaient un projet politique totalitaire, celui des encycliques sociales.

Dans cette logique, qui, globalement était celle de De Gaulle en 1969, il n’y avait pas de place pour une confédération syndicale libre et indépendante.

C’est pourquoi notre confédération avait mené campagne pour le NON au projet corporatiste gaulliste d’avril 1969. Campagne gagnante dans les urnes.

Mais les projets totalitaires n’avaient pas disparu avec la victoire du NON. On n’oublie pas que le « syndicaliste » CFTC puis CFDT Jacques Delors devint en 1969, « conseiller social » du gaulliste Chaban-Delmas.

« L’arc autogestionnaire » aura à l’époque contaminé – durablement – jusqu’à une fraction de l’appareil confédéral CGT (4). Mais c’est une autre histoire ; celle des « envahisseurs » … (voir : les « chroniques des envahisseurs » …sur ce site, page histoire )

Document.

Un article du Monde du 31 octobre 1973 débute ainsi : Besançon. –  » Les chrétiens ? Mais ils le sont tous : Charbonnel, le ministre ; Giraud, le médiateur ; Piaget, le syndicaliste.  » On pourrait ajouter que le préfet de Besançon est, lui aussi, un catholique pratiquant. On pourrait rappeler que M. Jean Raguenès, animateur du comité d’action de Lip, est un religieux dominicain. Préciser que M. Georges Gaudot, adjoint au maire (socialiste) de Besançon, chargé des questions économiques, n’est autre que le responsable diocésain du comité des laïcs… Bref que des chrétiens déclarés, et même militants, ont été depuis six mois au premier rang de l’affaire Lip, sans être dans le même camp. Ce n’est pas par hasard si dans sa chasse au trésor – soixante-cinq mille montres subtilisées par les ouvriers – la police a passé au peigne fin des presbytères et des couvents …  Toujours est-il que l’affaire Lip a eu une dimension religieuse, et que celle-ci n’est pas passée inaperçue. Non pas tant d’ailleurs à cause de M. Charles Piaget, que son ancien patron surnommait, paraît-il, Jésus-Christ. » Paroles de spécialistes.

L’évêque autogestionnaire de Besançon, Marc André Lallier.

1- Sans oublier le patron – PSU-CFDT – Claude Neuschwander – nommé à la tête de ce qu’il reste de LIP pour préparer en 1974, un « redressement » qui n’aura pas lieu.

2- La section « révolutionnaire » CFDT ne craignait pas l’innovation. Piaget explique dans « le PSU, des idées révolutionnaires pour le XXIème siècle … » (page358) : « Au début de la lutte chez Lip, le débat (eut lieu), grève générale ou débrayage long … l’accord le plus large s’est fait sur autre chose … la baisse des cadences ». Les gouvernements n’ont plus besoin d’ « encadrer » ni d’interdire le droit de grève. Les autogestionnaires font le travail.

3- Alexandre Hébert y consacre une étude très détaillée dans l’Ouest-syndicaliste de février 1974. L’article est long parce qu’il y a beaucoup à dire.

4- Ainsi que la plupart de la multitude de petits groupes « gauche de la gauche … » qui ont en commun la nostalgie du temps béni de l’ « unité » CFDT-CGT, groupes et mini sectes toujours utiles aujourd’hui quand il s’agit d’« habiller » l’imposture autogestionnaire de discours en apparence très radicaux.

JM. 25-11-2023

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